Comme Venise, Rome ou Prague,
Marrakech est une ville éternelle. On la découvre une première fois comme une
destination touristique puis on y revient au fil du temps pour y passer
quelques jours en amoureux ou en famille.
C'est la troisième fois pour moi et
quinze plus tard, en cette veille du nouvel an 2013, l'ambiance de la place
Djema El Fna y est tout aussi agitée que sous le soleil torride de l'été.
Calèches, camelots, jongleurs, marchands d'orange et porteurs d'eau... Rien n'a
changé. Les badauds non plus. Toujours aussi captivés par les charmeurs de
serpents et se laissant envoûtés le temps d'un conte ou d'un boniment. Mais il
ne faut pas oublier de donner sa petite pièce sous peine de se faire
houspiller !
Flâner dans les ruelles de la Médina
nous plonge dans un univers sans âge où les mêmes gestes se répètent de
génération en génération. Les artisans perpétuent leur technique ancestrale qui
fait toute la richesses artistique de Marrakech. La Medersa Ben Youssef en est
l'un de ses joyaux. J'admire les zelliges, les entrelacs et les jeux d'ombres
et de lumières sur les façades ciselées.
Les souks sont toujours aussi
pittoresques. Je peux y passer des heures. Les marchands de souvenirs
invitent la « gazelle » que je suis encore pour « zieuter,
seulement pour le plaisir des yeux ! ». Ils gardent le sourire même si mes
achats sont modestes. Leur insistance d'autrefois a fort heureusement disparu.
Les muezzins rythment la journée avec
leurs appels à la prière. Quelques rideaux de fer se baissent. En regardant
vers La Mecque des marchands tournent le dos à leurs clients. Des djellabas
entrent dans des petites mosquées que je n'avais pas remarquées entre deux
boutiques.
Les gros gâteaux de « bonne
année » aux couleurs fluo sont vendus dans leur boîte en carton. Je leur
préfère les macarons à la noix de coco du marchand ambulant ou encore les
petits fours au miel de son voisin même s'ils sont couverts d'une nuée
d'abeilles.
A la Manara, toute proche du centre
ville, les amoureux se promènent main dans la main. Ils font le tour du bassin
où brûlent les feux du dernier soleil de 2012. Pourtant la légende dit que les
Sultans amenaient leur conquête dans ce pavillon et les noyaient au petit
matin. A l'horizon, les sommets couronnés de neige de l'Atlas semblent veiller
sur la ville.
Dès la tombée de la nuit, des
centaines de lampions illuminent la place. Il y a plus d'effervescence que les
autres soirs. Familles et groupes d'amis s'installent pour dîner sur les bancs
des nombreuses échoppes. Des têtes de mouton, des couscous, tajines et
pastillas, des gâteaux de dattes et autres sucreries suffisent pour un
excellent réveillon. Les rires et les conversations font un joyeux brouhaha.
Les groupes grossissent autour des danseuses et des jongleurs. Mais avec la
nuit, les charmeurs de serpents et les porteurs d'eau ne font plus recette. Pas
de clocher ici pour sonner les douze coups de minuit. Des klaxons les
remplacent. Les rues sont encombrées de voitures, mais ce quartier de la ville
retrouve son calme assez rapidement. La fête se poursuit dans les restaurants.
En ce premier janvier 2013, la place
Djema el Fna et la Medina s'éveillent presque comme un jour ordinaire. Les
déchets de la nuit ont été nettoyés. Les tréteaux des restaurants ont disparu. Une
année de plus quand on a déjà plusieurs siècles, est-ce que cela compte ?
Les souks sont envahis de nouveau par les touristes mais aussi par les
marrakchis en congé. Il est impossible de ne pas se laisser tenter encore par
les babouches multicolores, les boîtes aux odeurs de santal, les théières
rutilantes ou les cuirs aux couleurs chaudes.
Mais quittons la foule pour rejoindre
le Jardin de Majorelle, oasis de verdure apaisant après une nuit de réveillon.
La lumière bleutée qui enveloppe bambous, plantes exotiques et cactées incite
naturellement les nombreux visiteurs à une promenade silencieuse. Le peintre
Jacques Majorelle pourtant inspiré par les déserts du sud avait osé ce bleu vif
pour les murs de sa villa. Les jardins furent ensuite restaurés par le
couturier Yves Saint-Laurent.
Le minaret de la Koutoubia
dresse sa haute silhouette sur un ciel perlé de petits nuages blancs. La
simplicité et la délicatesse des décors de chacune de ses faces contrastent
avec les ornementations plus précieuses des autres monuments de Marrakech comme
les palais El-Badi ou de la Bahia.
Bientôt les palmiers des jardins et la
Koutoubia sont de gigantesques ombres noires qui se profilent au soleil
couchant.
C'est la fin de mon escapade
marocaine.
1er janvier 2013