RETOUR A ENDE (MALI)

Troisième voyage au Mali et en particulier au Pays Dogon. Parfois, un lien fort se tisse avec un pays à cause d’un sourire, d’une rencontre ou d’une sensibilité particulière pour sa culture. Ce fut le cas en 2008 avec Hassimi mon guide Dogon. Et en janvier 2010, je retournais au Pays Dogon pour approfondir avec lui ma connaissance de sa culture en visitant d’autres villages perchés dans la falaise.
Cette fois, retour à Endé dans ce village de la plaine dont Hassimi est originaire et qui m’avait accueillie la première fois. Sa famille s’est agrandie avec Fatoumata qui vient de naître. J’y reçois un accueil émouvant. Je reviens avec un projet qui me tenait à coeur et qui sera une vraie surprise pour le village entier. Lors de mes deux précédents séjours, j’avais recueilli des sourires, des musiques, des sons et des histoires. J’avais été impressionnée par la richesse des traditions que, ni la modernité ni le développement touristique important de cette région, n’avaient amoindries. Les Dogon sont fiers, courageux et tellement chaleureux ! 
C’est donc à mon tour de leur faire un cadeau. Même si de rares touristes envoient les photos qu’ils ont prises, les populations n’ont jamais l’occasion de voir un film ou documentaire réalisé sur eux, et auxquels ils ont participé à leur insu. Je suis donc venue de France avec mon ordinateur, un grand drap blanc et un vidéoprojecteur. Il restait à trouver un groupe électrogène ce dont s’est chargé Hassimi. Un mur en banco dans une grande cour fit l’affaire. Notre première séance de cinéma fut annoncée par le bouche-à-oreille auquel les Africains sont habitués. Ils ont ainsi regardé le DVD que j’avais réalisé sur Endé, les villages Dogon, le Festival des masques de Bandiagara et ils ont découvert également le port de Mopti, le Niger et la ville de Djenné. Autant de lieux que peu de villageois connaissaient, certains d’entre eux n’ayant guère voyagé au-delà de 20 ou 30 kilomètres d’Endé. Et pour le plus grand nombre, c’était leur première séance de cinéma ! Il y eut tellement de rires, d’effusions, de commentaires que mes deux petits haut-parleurs ne risquaient pas de les concurrencer. De toute façon le français n’est guère compris ni parlé par la majorité de la population, seules les images importaient. L’ambiance était à la fête et il n’était pas question que le cinéma de plein air s’arrête à la fin de ce premier film. Heureusement, j’avais de la ressource et en plein cœur de la brousse africaine, les éléphants du festival de Jaipur firent leur parade. Les enfants s’étonnaient de voir que l’on puisse monter dessus et admiraient leurs décorations. Les coiffures des Himbas de Namibie soulevèrent aussi de grandes exclamations. Cette confrontation des cultures fut d’une grande richesse pour tous, enfants comme adultes. Il commençait à se faire tard et les mères réclamaient leurs enfants, sans résultat… Alors l’écran blanc s’éteignit… Pour se rallumer deux soirs plus tard. Cette fois, notre salle de plein air accueillit au moins 200 personnes, mais elle n’avait pas de places limitées ! Certains étaient revenus pour voir les mêmes films une deuxième fois. Pour moi, le spectacle était hors de l’écran. Toutefois, malgré ma joie de leur faire découvrir leur propre pays et ceux de mes voyages, j’avais un peu de stress concernant la sécurité… En Afrique, ce n’est pas un problème et il faut bien admettre qu’il y a fort peu d’accidents comparés aux risques pris. Il m’a fallu accepter que les enfants s’assoient sur les fils électriques voire tripotent mes branchements de fortune… 
Mission accomplie, il était temps pour moi de repartir. Tandis que je grimpais dans la falaise avec mon précieux vidéoprojecteur dans le dos, les conversations étaient animées auprès des puits, les uns se vantant d’avoir vu les films, de s’être même reconnus, les autres se désolant de n’être pas venu. Une fois rentrée en France, Hassimi m’a écrit que ce fut vraiment l’événement de l’année dans son village et que l’on en parlerait encore longtemps. Voilà qui récompense grandement les heures que j’ai consacrées à mes diaporamas !
Janvier 2011

TOMBOUCTOU : le Festival au Désert (Mali)


Le Festival-au-Désert à Tombouctou s'achève sur une note triste…

Tombouctou au Mali, la dernière étape avant le Sahara se mérite : une demi-heure de navigation sur un bac où s'entassent véhicules en tous genres après deux heures d'attente et quatre heures de piste pas très confortable. En ce début janvier 2011, j'y ai croisé plus de véhicules militaires que de caravanes de chameaux qui troquent depuis des siècles leurs plaques de la mine de sel de Taoudéni, contre du riz ou des céréales.
Mythique Tombouctou qui me faisait déjà rêver depuis Zagora au Maroc avec son célèbre panneau annonçant « Tombouctou, 52 jours de chameau ». Trop long pour moi… Je m'étais promis d'y accéder depuis le Mali par la route, plus rapide encore que la remontée en pinasse sur le Niger. Les 160 kilomètres de piste un peu monotones se transforment bientôt en gymkana pour éviter les ânes couchés dans les nappes de sable qui affleurent.
Depuis le XIIème siècle, Tombouctou attire toujours les voyageurs. Aujourd'hui, à mon grand étonnement, ce sont les Américains qui la visitent le plus.
Tombouctou est peuplée de Songhaïs après avoir connu les dominations des Touaregs, Marocains et Peuls. Classée au patrimoine de l'Unesco en raison de la richesse des manuscrits de ses bibliothèques (à l'égal de Chinguetti en Mauritanie), la ville a connu récemment de nombreuses restaurations ce qui donne un petit air de musée à ses rues et à ses mosquées. Elle y a perdu un peu de son âme et je n'ai pas ressenti d'émotion devant les maisons attribuées avec plus ou moins de véracité au premier découvreur européen, le Major Gordon Laing qui le paya d'ailleurs de sa vie, et aux autres explorateurs dont René Caillé qui y séjourna seulement deux semaines en 1828.
Tombouctou est d'ordinaire une ville tranquille et isolée de l'autre côté du Niger, mais pendant trois jours en janvier, elle vit au rythme du Festival-au-Désert. Une manifestation qui a été créée il y a 11 ans à Essakane à deux heures de piste, pour valoriser les traditions et la musique des nomades Touaregs. Pour des raisons de sécurité, le Festival s'est installé depuis deux éditions à la porte de Tombouctou.
Le Mali a un très riche patrimoine musical et un grand nombre de ses artistes a aujourd'hui une renommée internationale : Ali Farka Touré, Boubacar Traoré, Oumou Sangaré... Leur originalité est d'associer instruments, chants et rythmes traditionnels dans des compositions très contemporaines. La participation d'artistes étrangers a étendu la notoriété du Festival bien au-delà des frontières maliennes.
Cette année, ces trois jours de fête sont empreints d'inquiétude en raison des menaces sur les touristes. Sur les 2000 visiteurs, il y avait tout de même 850 étrangers, Américains, Italiens mais il est vrai moins de Français qu'auparavant. Néanmoins, la présence du Président du Mali a rassuré ceux qui hésitaient encore. Et la fête fut réussie avec ses courses de chameaux, ses groupes musicaux et une foule où se mélangeaient les costumes colorés des Maliens de toutes ethnies. Les dunes ont vibré avec les plus belles voix, sous une voûte étoilée.
Le Festival tout juste achevé sur une note sombre, avec l'exécution des deux otages français enlevés au Niger, les touristes reprennent le bac. Tombouctou retrouve sa quiétude... La population n'aura plus à subir leurs photos et les enfants vont perdre l'habitude de demander des cadeaux. Mais les sourires on disparu et on lit la tristesse dans les regards. Désormais, je me demande pour combien d'années Tombouctou restera silencieuse...
Janvier 2011