TOMBOUCTOU : le Festival au Désert (Mali)


Le Festival-au-Désert à Tombouctou s'achève sur une note triste…

Tombouctou au Mali, la dernière étape avant le Sahara se mérite : une demi-heure de navigation sur un bac où s'entassent véhicules en tous genres après deux heures d'attente et quatre heures de piste pas très confortable. En ce début janvier 2011, j'y ai croisé plus de véhicules militaires que de caravanes de chameaux qui troquent depuis des siècles leurs plaques de la mine de sel de Taoudéni, contre du riz ou des céréales.
Mythique Tombouctou qui me faisait déjà rêver depuis Zagora au Maroc avec son célèbre panneau annonçant « Tombouctou, 52 jours de chameau ». Trop long pour moi… Je m'étais promis d'y accéder depuis le Mali par la route, plus rapide encore que la remontée en pinasse sur le Niger. Les 160 kilomètres de piste un peu monotones se transforment bientôt en gymkana pour éviter les ânes couchés dans les nappes de sable qui affleurent.
Depuis le XIIème siècle, Tombouctou attire toujours les voyageurs. Aujourd'hui, à mon grand étonnement, ce sont les Américains qui la visitent le plus.
Tombouctou est peuplée de Songhaïs après avoir connu les dominations des Touaregs, Marocains et Peuls. Classée au patrimoine de l'Unesco en raison de la richesse des manuscrits de ses bibliothèques (à l'égal de Chinguetti en Mauritanie), la ville a connu récemment de nombreuses restaurations ce qui donne un petit air de musée à ses rues et à ses mosquées. Elle y a perdu un peu de son âme et je n'ai pas ressenti d'émotion devant les maisons attribuées avec plus ou moins de véracité au premier découvreur européen, le Major Gordon Laing qui le paya d'ailleurs de sa vie, et aux autres explorateurs dont René Caillé qui y séjourna seulement deux semaines en 1828.
Tombouctou est d'ordinaire une ville tranquille et isolée de l'autre côté du Niger, mais pendant trois jours en janvier, elle vit au rythme du Festival-au-Désert. Une manifestation qui a été créée il y a 11 ans à Essakane à deux heures de piste, pour valoriser les traditions et la musique des nomades Touaregs. Pour des raisons de sécurité, le Festival s'est installé depuis deux éditions à la porte de Tombouctou.
Le Mali a un très riche patrimoine musical et un grand nombre de ses artistes a aujourd'hui une renommée internationale : Ali Farka Touré, Boubacar Traoré, Oumou Sangaré... Leur originalité est d'associer instruments, chants et rythmes traditionnels dans des compositions très contemporaines. La participation d'artistes étrangers a étendu la notoriété du Festival bien au-delà des frontières maliennes.
Cette année, ces trois jours de fête sont empreints d'inquiétude en raison des menaces sur les touristes. Sur les 2000 visiteurs, il y avait tout de même 850 étrangers, Américains, Italiens mais il est vrai moins de Français qu'auparavant. Néanmoins, la présence du Président du Mali a rassuré ceux qui hésitaient encore. Et la fête fut réussie avec ses courses de chameaux, ses groupes musicaux et une foule où se mélangeaient les costumes colorés des Maliens de toutes ethnies. Les dunes ont vibré avec les plus belles voix, sous une voûte étoilée.
Le Festival tout juste achevé sur une note sombre, avec l'exécution des deux otages français enlevés au Niger, les touristes reprennent le bac. Tombouctou retrouve sa quiétude... La population n'aura plus à subir leurs photos et les enfants vont perdre l'habitude de demander des cadeaux. Mais les sourires on disparu et on lit la tristesse dans les regards. Désormais, je me demande pour combien d'années Tombouctou restera silencieuse...
Janvier 2011