Si vous rêvez encore de jouer au Robinson, c’est parmi les
600 îles de l’archipel Raja Ampat que vous trouverez votre petit paradis car la
plupart sont encore inhabitées.
La Nouvelle-Guinée fut partagée en deux colonies, l’Est
occupé par les Autraliens, et l’Ouest par les Néerlandais. La Papouasie
Nouvelle-Guinée obtint son indépendance en 1975. La Papouasie occidentale fut
annexée à l'Indonésie en 1963 au lieu d’obtenir elle-aussi son indépendance. C’est
pourquoi cette région connaît des conflits sporadiques avec les Groupes indépendantistes.
Situé à la pointe extrême ouest de la Papouasie
occidentale indonésienne, juste sur l’Equateur, l’archipel Raja Ampat recèle
l’un des plus riches écosystèmes sous-marins au monde. Il est constitué pour sa partie nord de quatre grandes
iles (Misool, Salawati, Batanta, et Waigeo) et de leurs satellites. Une myriade
d’îlots comme des champignons semblent flotter sur la mer. La jungle
impénétrable est bordée d’une mangrove ou de plages de sable blanc qui se
prolongent par des fonds exceptionnels.
Le succès de Raja Ampat est dû à ses milliers d’espèces de
poissons aux couleurs et aux formes les plus étonnantes. Un univers fantastique
que l’on peut découvrir même sans être plongeur. Toutefois il ne faut pas avoir
le vertige car on nage parfois au-dessus d’un gouffre impessionnant que la
lumière du soleil arrive à pénétrer. C’est le domaine des tortues, des petits
requins, et des raies mantas si on a la chance de les croiser. Alors la magie
opère, fasciné par ces rencontres, on oublie vite la profondeur des eaux.
Raja Ampat compte aujourd’hui 60 000 habitants répartis
dans une centaine de villages. Dont certains sont uniquement accessibles par la
mer.
Autrefois réservé à un tourisme luxueux dans quelques resorts, l’accès
à Raja Ampat s’est démocratisé depuis cinq ans, avec le développement des
homestays, histoire d’améliorer l’ordinaire d’une vie de pêcheur. Ce sont des
hébergements très simples au plus proche de la nature, qui accueillent des
passionnés de plongée et de snorkeling, Cette activité a le mérite de procurer
du travail à des jeunes qui peuvent rester ainsi dans les îles.
Les îles conservent toujours
leurs forêts intactes si ce n’est les
quelques coupes d’arbres pour construire ces bungalows en bois de fromager. Cet habitat dressé sur pilotis
résiste bien au vent et aux fortes vagues de l’été.
Un ferry ultra rapide relie chaque jour le continent, au
départ de Sorong, au petit port de Wasai à Waigeo, la plus grande île de
l’archipel. Il faut convenir à l’avance d’un pick-up au port avec un premier
homestay. Grosse pirogue, barque à moteur ou bateau, tout dépend du niveau
d’équipement du homestay ou du resort. Le tarif du transport est fixé par trajet
et non par personne, selon la distance, et il peut être assez cher. C’est
pourquoi le choix du homestay dépend parfois du bateau que l’on pourra partager
avec d’autres voyageurs.
J’ai choisi de commencer seule ma découverte de Raja Ampat.
Anton, un mototaxi, me conduit à Saporkren, un village situé à une trentaine de
minutes de Wasai. Ce Javanais fait partie des nombreux Indonésiens qui
préfèrent travailler en Papouasie pour gagner plus d’argent.
La route s’arrête à 500 mètres de Saporkren. Le petit
village installé dans une crique, et coincé entre la forêt et la mer, n’est
accessible que par bateau ou à pied, par la plage à marée basse ou par un
sentier escarpé dans la jungle. Samuel et sa famille
m’accueillent. Ma demande les surprend car les touristes ne dorment pas chez
l’habitant. Ils viennent
ici parfois, juste le temps d’une courte promenade.
Saporkren est
constitué d’une seule grande rue bordée de maisons, au bord de la plage. La
propreté est remarquable, chaque famille devant nettoyer la portion de rue
devant sa maison et brûler ses ordures. Il y a une petite église chrétienne et
une école. Tous les hommes sont des pêcheurs. L'électricité ne fonctionne pas
en permanence, mais quelques maisons sont équipées d’antennes satellites.
L’organisation et le modernisme de ce village sans accès à la route m’étonnent.
La population est très chaleureuse et les enfants souriants m'observent. Le
jeune voisin me sert de guide pour parcourir la rue aller-retour, visite du
cimetière incluse. Il balbutie l'anglais comme moi l'indonésien mais on
arrive à se comprendre pour l'essentiel. Je me demande comment les
quelques jeunes supportent autant d’isolement.
La journée est rythmée par la
pêche sur le ponton avant chaque repas. Les enfants profitent d’une mer chaude
et vert turquoise. Une planche de bois suffit pour surfer. A la lueur d’une bougie, la
grande sœur fait compter les deux plus jeunes. Je participerais bien à la leçon
!
Juste avant de quitter Saporkren, une femme m’offre
deux petits bracelets et refuse que je la paie.. Ce cadeau m’a touchée. Ce sont
souvent les gens les plus simples qui sont spontanément généreux.
Départ en
pirogue par une mer un peu formée vers l’île Gam. Cette fois mon objectif
est le snorkeling. Je nage avec des milliers de petits poissons colorés tout en
faisant attention aux courants et à la houle qui sont importants en juillet car
l’archipel est au croisement de l’Océan Indien et de l’Océan Pacifique. D’ailleurs le vent peut empêcher
certaines liaisons entre des îles, les isolant totalement. La meilleure saison,
d’octobre à fin décembre, offre une mer d’huile. Des bébés
tortues sont trouvés sur la plage. Nous partons les déposer dans la mangrove,
véritable nurserie. Un petit passage dans un rocher leur donnera un accès
direct à la mer quand ils auront grandi.
A quelques
encablures, du haut des collines karstiques, le panorama est magnifique. Dans les eaux claires de ce labyrinthe, les
hypocampes trouvent refuge. Nous nageons sous la voûte des grottes. L’eau est
transparente. Nous jouons avec l’écho.
Arborek est un village
situé sur l’une des rares îles plates de l’archipel. C’est dimanche et après la
messe, c’est volley-ball pour les équipes féminines. La sonorisation est à son
maximum car il y a peu de distraction ici ! Les enfants chantent et dansent
dans une petite maison. Un chien contemple deux gamins qui jouent au ballon
dans la rue.
La jungle est
peuplée d’animaux invisibles hormis les araignées et les fourmis besogneuses.
Les oiseaux chahutent dans la canopée mais pour voir l’oiseau de paradis il
faut se lever très tôt et être chanceux. Un perroquet moins farouche se donne
en spectacle près de la plage. Un couscous, un marsupial aux habitudes plutôt
nocturnes, s’approvisionne en
bananes directement dans la cuisine. Les requins aussi ont leurs
habitudes : ils guettent sous le ponton les déchets des poissons qui sont
préparés pour notre déjeuner.
Alors à quoi
peut s’occuper un Robinson des temps modernes ? La pêche, le snorkeling ou
la plongée, la lecture ou la contemplation de la nature, mais aussi… internet
car les ondes n’ont pas de frontières et le réseau indonésien est plutôt de
bonne qualité à Raja Ampat.
Les jours s’écoulent
tranquillement sur terre ou sous la mer. La beauté du corail nous attire irrésistiblement.
Chaque randonnée sous l’eau nous fait découvrir une nouvelle merveille, un
poisson inconnu, une tortue égarée près de la plage, un poisson-lion dont il
faut se méfier, une seiche, des poissons-perroquets ou des clowns rouges et
blancs qui s’ébattent joyeusement dans les anémones. Le soir, le spectacle est
au rendez-vous quand le soleil, rouge de plaisir, se cache derrière l’horizon.
Retour prévu à
Sorong avec le ferry. Mais je suis obligée de m’arrêter dans un hôtel au port
de Wasai car la navigation en pirogue à moteur m’a trempée de la tête au pied.
C’est l’Aïd, la
fin du Ramadan qui donne lieu à une semaine de vacances dans toute l’Indonésie.
Les villages de pêcheurs papous sont chrétiens, mais la population de Wasaï est
pricipalement indonésienne et musulmane. Le Ramadan est une période compliquée
pour voyager car tous les restaurants et gargottes (warungs) sont fermés. Je
retrouve Anton qui a pitié de moi et qui m’emmène déjeuner dans un warung dont
la porte est masquée par un rideau. Le soir, je me contente de bananes et d’un
gateau qui me sont gentiment offerts dans la rue.
Raja Ampat est un
paradis pour les touristes. Un peu moins pour sa population dont la vie est
conditionnée par la pêche. Néanmoins, tous ces villages respirent le calme, la
nonchalance, la douceur de vivre. Chaque rencontre est ponctuée d’un sourire,
d’un signe de bienvenue, d’une invitation à revenir. Je me suis laissée
séduire. Et après le vent de juillet, j’ai savouré la mer d’huile de novembre.
Article publié dans Magazine GLOBE-TROTTERS n°163-sept/oct2015 (Association Aventure du Bout du Monde)
Article publié dans Magazine GLOBE-TROTTERS n°163-sept/oct2015 (Association Aventure du Bout du Monde)