Nosy Komba est située au nord-ouest de Madagascar, entre
Nosy Be et la Grande Terre. Quatre
mille habitants peuplent cette petite île volcanique. Il faut arpenter la
montagne pour rejoindre ses nombreux villages côtiers ou bien y aller par la
mer.
A Hellville, la capitale de Nosy Be, j’ai pris une
pirogue à moteur collective pour rejoindre Nosy Komba. Ce bateau en plastique
s’est inspiré des formes des pirogues traditionnelles en bois mais avec un fond
très plat pour accoster directement sur la plage. Comme pour les taxis-brousse,
le pilote attend d’avoir fait le plein de voyageurs pour partir. J’arrive la
dernière et je me fais une petite place parmi la vingtaine d’occupants, des
femmes avec de nombreux jeunes enfants. On se distribue les gilets de sauvetage
mais il n’y en a pas assez pour tout le monde. Le petit moteur hors bord propulse
l’embarcation sur une mer qui est fort heureusement très plate mais seulement le
matin. Personne ne bouge sans doute par peur d’un chavirage. Le moteur s’arrête
subitement et notre pilote remplit le jerrican d’essence. Franchement j’ai été
rassurée quand le moteur a redémarré sans trop de hoquets car la surcharge du
bateau me faisait douter de sa stabilité en cas de houle. Puis en mer, le
pilote manœuvre doucement pour se mettre à couple d’une pirogue en bois et
quelques passagères y sont débarquées avec bébés, paniers chargés, sacs de riz
et autres marchandises. La pirogue en bois est pleine comme un œuf et chacun
prend sa pagaie pour s’en aller sans doute vers un village sur la côte.
Après une heure de navigation notre pirogue à moteur
accoste enfin sur la plage d’Ampogorina, le plus grand village de Nosy Komba.
Ce village de pêcheurs n’a pas vendu son âme. Il y a
bien des bungalows à louer et des pensions mais la vie ne semble pas avoir
changé. Le tourisme procure un appréciable complément de revenu. Les bateaux
accostent le plus souvent pour la journée, pour voir les lémuriens
principalement. Les femmes comme dans les autres îles proches de Nosy Be
brodent des nappes qui sont fouettées par le vent. C’est leur seul revenu. Le
salaire moyen d’une famille est de 100 000 ariary soit 30€ par mois.
Un restaurant en dur vient d’être construit au bord de
la plage. C’est le premier de ce type et les jeunes du village y découvrent un
billard.
Une cérémonie va inaugurer la fin de la construction. A
Nosy Komba il y a une reine à Ampagorina et un roi dans le village d’Amtamtam.
Ce titre prestigieux associe pouvoir religieux et administratif. La reine
d’Ampagorina a décidé qu’il y avait eu suffisamment de fêtes et de danses en
juin dernier alors cette fois n’est autorisé que le sacrifice de trois zébus
arrivés par bateau. A 6 heures du matin ils ont été égorgés à proximité du
palais royal (un petit bâtiment blanc avec une jolie porte bleue) qu’il ne faut
approcher que pieds nus. Et le sarong est obligatoire. De la cérémonie, il ne
reste qu’une grande peau de zébu un peu sanguinolante étendue devant l’entrée
du bâtiment.
Madame Yvonne a l’œil. Elle m’a repérée à peine arrivée
sur la minuscule place où trône l’unique puits d’Ampangorina.
Cette alerte septuagénaire est experte en plantes
médicinales et la forêt n’a aucun secret pour elle depuis son plus jeune âge.
Elle a hérité ses précieuses connaissances de son grand-père et elle commence à
les transmettre à ses fils et à ses petits-enfants. Jamel a 4 ans et il l’accompagne
souvent sans la moindre fatigue, délaissant même ses sandales pour gravir en
courant la montagne sans craindre les cailloux.
La nature a pensé à tout ! Madame Yvonne me montre
brosse à dents, cure-dents, ficelle, teinture (feuilles du tek) et même un
savon redoutablement efficace : quelques feuilles froissées suffisent à me
blanchir les mains. Les innombrables feuilles, racines, fleurs et tiges ont de
multiples vertus curatives indéniables. La question qui se pose pour moi est de
savoir si Madame Yvonne est en mesure de poser un bon diagnostic ?
La forêt a subi une période de destruction au profit de
cultures de riz et de cannes à sucre. Le gouvernement actuel interdit les
coupes d’arbres en particulier le tek. Les sculpteurs des villages
s’approvisionneraient donc de bois provenant de Madagascar, disent-ils ! Il
reste une zone où les anciennes plantations font des rejets : arbres
fruitiers (papaye, bananes, mangues, ananas) et vanille ; une famille s’y
est installée. Chaque jour les filles descendent au village y vendre leur
récolte. Les enfants de ces minuscules hameaux dévalent les 300 mètres pour se
rendre à l’école.
En chemin, Madame Yvonne s’adresse à deux jeunes garçons
qui portent de grands tshirts d’adultes qui descendent jusqu’à leurs pieds. A
mon plus grand étonnement, elle leur donne 200 ariary pour qu’ils soulèvent
leur Tshirt pour me montrer un zizi fraîchement circoncis encore gonflé et à
peine cicatrisé. C’est moi qui suis la plus gênée ! Bien que chrétiens et
majoritairement catholiques, les malgaches se font circoncir entre 4 et 8 ans
(« avant ils bougent trop ! »). Mais aujourd’hui cet acte est
pratiqué à l’hôpital.
L’ambiance de Nosy Komba est très plaisante. En peu de
jours les voisins de ma pension me reconnaissent et me saluent. Il est vrai que
le tourisme étant le poumon de l’économie, chacun s’applique à être aimable
avec les touristes de passage. Quelques hommes retraités se sont d’ailleurs
installés ici, séduits par certains « charmes » de l’île, mais c’est
une autre histoire…
Août 2015