Ce ne fut pas
par choix, mais par nécessité que j’ai décidé de partir seule. Trop frustrée
par des coéquipiers et coéquipières qui ne partageaient ni mon rythme ni mes
centres d’intérêt, le voyage en groupe ou même à deux n’était plus fait pour
moi. Alors stimulée par des globe-trotteuses solitaires, je me suis lancée pour
la première fois en 2010, à près de 58 ans.
Pour dédramatiser cette première
expérience et ma crainte de la solitude, je suis retournée au Mali, au Pays
Dogon, où j’étais allée une première fois avec un petit groupe. Et mon guide
Hassimi m’y attendait. Donc pas de souci de logistique et un itinéraire à ma
convenance avec la possibilité de prendre mon temps pour mes photos et mes
prises de sons, et surtout pour avoir des contacts plus faciles avec la
population. Une femme qui voyage seule intrigue forcément et suscite de
nombreuses interrogations. Cette situation privilégiée facilitait en
particulier les rencontres avec les femmes sur les marchés ou auprès des puits.
J’ai découvert pour la première fois un voyage très différent, en réelle
immersion dans la population à tel point que je fus invitée à revenir au pays
Dogon l’année suivante en m’installant chez la famille d’Hassimi. J’en ai profité
pour organiser dans le village d’Endé, des séances de cinéma avec la projection
de mon premier diaporama sur les Dogon et ceux de mes autres voyages.
Aujourd’hui Hassimi reste l’un de mes plus fidèles amis.
L’Indonésie fut ma seconde
destination avec pour seule exigence, satisfaire ma curiosité. Un mois à gérer
à ma guise, en cédant à tous mes caprices et en assumant aussi mes erreurs
(choix de trajets ou de sites inintéressants, pertes de temps…) ce qui peut
arriver dans un voyage que l’on organise soi-même. Plongée plusieurs mois à
l’avance dans le site ABM, le Lonely, et le Routard et après maintes
discussions avec des abémistes, j’élabore mon circuit avec une grande souplesse
pour me permettre des changements de caps au gré de mes rencontres. Ce fut d’ailleurs
le cas en m’installant 12 jours dans un village du pays Toraja pour y attendre
une cérémonie funéraire. Une expérience formidable que je n’aurais jamais pu
vivre autrement. Et l’envie de revenir dans ce pays et même d’en apprendre la
langue car l’anglais est loin d’être pratiqué dans les villages. Les séjours
suivants m’ont permis comme au Mali, de m’y faire des amis et de partager la
vie d’une famille toraja jusqu’en Papouasie occidentale en 2014, chez la sœur
immigrée à Wamena.
L’Inde m’inquiétait davantage, mais y étant déjà allée une première
fois accompagnée, la logistique ne m’effrayait plus : comment réserver son
train, ses bus, le choix des hôtels… Je savais que les contacts seraient ici
plus superficiels. Bien que sollicitée toute la journée pour être prise en
photo (ils ont fiers de montrer qu’ils ont rencontré une étrangère), les
conversations restent furtives. Et dans certaines régions comme le Gujarat, la
barrière de la langue est réelle même pour lire la destination des bus. On m’avait
aussi mise en garde, les Indiens ne sont pas tous respectueux des femmes
voyageant en solo. Les précautions nécessaires m’ont parfois fait regretter
d’être seule car pour ne pas sortir tard le soir, dîner dans sa chambre est un
peu triste. Mais les risques dans les villes du monde entier sont les mêmes
qu’en Europe ou en France. Mon netbook pour trier mes photos, écrire et envoyer
mes mails (quand par chance il y a le wifi) et la lecture m’ont permis
d’occuper mes soirées... Etudier l’itinéraire du lendemain peut aussi prendre
du temps !
Voyager seule nécessite tout de même de pouvoir s’exprimer
suffisamment en anglais (ou en espagnol lors de mon voyage au Guatemala) pour
faire face à diverses situations (santé, sécurité, etc.). Il faut rester
vigilante, surveiller ses affaires, être bien organisée et surtout être en
forme. Pour moins ressentir la solitude, il vaut mieux choisir des pays où la
population est plus ouverte car on peut se sentir très seule dans la foule, par
exemple en Europe ou en Amérique du nord. Les pays arabes me semblent aussi
plus compliqués car les femmes seules n’y ont pas une bonne réputation.
Voyager en voiture avec chauffeur offre confort et sécurité et parfois
certains sites sont plus accessibles avec un guide local. Mais seule en
voiture, le temps peut sembler plus long et surtout le budget n’est pas
comparable. Les conversations sont parfois limitées avec le chauffeur ou à
l’inverse, par chance, elles permettent de pratiquer davantage une langue et
d’obtenir beaucoup d’informations sur les coutumes, la politique, la vie des
populations. L’idéal est donc de diversifier les moyens de transports.
Les petits inconvénients du voyage en solo sont largement compensés
par la richesse des expériences vécues. Je recommande aux voyageurs en couple
de tenter au moins une fois l’expérience sans sa « moitié ».
Le voyage en solo est devenu pour moi la meilleure façon de voyager,
c’est presque une récompense ! Toutefois, il m’est déjà arrivé de partager
quelques jours agréables avec un co-équipier, alors l’essentiel est que chacun
respecte l’espace de liberté et de fantaisie de l’autre. En solo ou
accompagnée, il faut garder le plaisir de voyager !